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A l’embouchure de tous ses paragraphes, Joël VERNET esquisse et prolonge son chemin poétique. Dans le livre collectif chemins, fougères et détours , un tour du monde en Ardèche, je savoure encore cette évidence :
« Par la fenêtre , le matin, la lumière appelle le voyage, la randonnée, la marche sur les crêtes.
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Ces murettes de pierre sèche comme en équilibre dans l’espace, ce silence des maisons que l’on devine inhabitées, ces bergeries désertes dans les pâturages où du fumier sèche encore, une odeur âcre montant entre les vieilles poutres, de rares silhouettes émergeant un instant de la brume et ce ciel fameux du Nord de l’Europe qui se dévoile d’un trait pour, à nouveau disparaître, faisant de nous des noctambules en plein jour.
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Les villages sont au bout de la route, tapis sous leurs secrets.
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Cela, cette manière d’être au monde, en son cœur et dans la solitude extrême est un ravissement qu’aucune conversation humaine ne saura jamais remplacer.
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Nous nous effaçons sans bruit, non pour disparaître, mais afin de gagner le retrait nécessaire, cela , sans tapage ni clameur.
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Enfant, lorsque je vivais à la campagne, ce silence des hommes m’avaient toujours pesé.
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La pluie est venue dans la nuit. En abondance.
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J’ai vécu ici tant d’heures solitaires qui m’ont souvent durci le cœur tandis que le regard ne voulait qu’accueillir.
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La vallée, pareille à une incise au pied de la montagne, grondait doucement du bruit de la rivière qu’on devinait…
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Nous dressions des tables dans le vent des paysages majestueux…
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L’aube trouvait les tables défaites, les petites ruines d’un repas, des bouteilles renversées, parfois les chaussures d’un enfant, une jupe , la jupe oubliée d’une femme, un béret sur le bois brut , quelques feuillets épars, le texte d’une chanson coincé sous le vieil accordéon…
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Longtemps je me suis souvenu du visage de cette vieille femme, voisine de la ferme où nous vivions, chaleureuse, humaine, bienveillante et douce envers l’enfant que j’étais alors.
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Il y a une grande tristesse dans le monde que même les plus grands rires ne peuvent fracasser.
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Les chiens errants, affamés, assoiffés, toutes ces vies tues, silencieuses, ces noires silhouettes de femmes, ces ouvrières qui vivaient ici, au moulinage, dans le dortoir commun, descendant à l’aube l’escalier pour rejoindre le bruit saccadé des machines.
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De tous temps, les ruines des fermes m’ont bouleversé.
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Ce coin de terre est devenu mon Harar et je brûle les jours un à un.
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Chacun est avec sa vie pesante ou légère, éphémère.
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Parfois , j’éprouve le sentiment que la clarté s ‘est éloignée de ma vie …
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Entre mer et terre, un jour de décembre, dans le pays de l’Orient, j’ai vu surgir les arbres en fleurs, les rires soudains de la nature, les orangeraies merveilleuses et j’ai compris, du train qui m’emportait, qu’une douceur de vivre était encore possible dans les endroits du monde où je n’aurais jamais pensé me rendre […] Dévorante , leur lumière .
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Le sang rouge de la neige dans le cœur, le sang des épreuves, celui des joies, des danses autour des feux.
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Durant l’après-midi, avec l’enfant à l’orée des bois.
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J’aime aller ainsi vers la vie sauvage, imprévue, tâtonnante, ignorante alors que nous croisons tous des flots de péroreurs peu enclins à vouloir apprendre encore et encore.
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Souvent, je voudrais être comme un chat sur un mur, me prélasser au soleil.
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Dans l’enfance, les fleurs que dessinait le moule en bois sur la crème barattée.
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Un jour, à travers les marches, dans les livres, je n’évoquerai plus que le scarabée bleu sur l’herbe verte.
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[…]On aperçoit de vieilles gens, très seuls dans leur solitude.
[…] Quels sillons ont-ils tracé ?
[…]L’essentiel est dans le simple, forcément fustigé, dans ce feu qui s’est détourné des labyrinthes. Marcher va vers lui…
… […] Marcher est notre plus belle façon de vivre. » […]
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CHEMINS, FOUGERES ET DETOURS, Un tour du monde en Ardèche
Joël VERNET( Texte) , Jean-Gilles BADAIRE (Peinture),
Bernard PLOSSU et Daniel ZOLINSKY (Photographies),
Edité par LA PART DES ANGES à l'occasion
d'une exposition à la Fabrique du Pont d’Aleyrac, Septembre 2007,
p.13 à 26 (extraits).
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POUR RENCONTRER
Joël VERNET à LYON DEMAIN ! (Rappel)
à l’occasion de la parution de ses derniers livres : Le Désert où la route prend fin (éd. l’Escampette)
et Une barque passe près de ton seuil (éd. La Part commune).
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Rencontre et lecture le mardi 1er Avril 2008 à partir de 17 heures.
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Le Bal des Ardents, 17 rue Neuve - 69001 LYON.
Tel : 04 72 98 83 36 .